Exposition – Bernard Gilbert – Une nuit de couleur(s)

Bernard Gilbert est un artiste qui, entre autres choses (nombreuses), aime briser les codes et faire bouger les lignes, au propre et au figuré. Présenter ses travaux dans une configuration inédite, questionner leur statut et leur perception, en mettant le spectateur à la fois dans une position de confort (savoir voir est un art lent !) et de questionnement fertile. Par ailleurs, il connaît plutôt bien la galerie Juvénal, pour y avoir déjà exposé il y a vingt ans — pas mal d’eau a coulé sous les ponts, et d’inspiration dans son travail, et de bouleversements dans le regard que nous portons sur les images… pas forcément pour un mieux, malgré la quantité déferlante.

À la fois poétique et ludique, tantôt séduisant ou fascinant, le travail de Bernard Gilbert n’en invite pas moins à s’arrêter et à creuser. Ainsi s’est-il proposé, en l’occurrence, de scinder l’espace en deux au profit d’une dualité d’atmosphères et de ressentis bien distincts : un espace d’exposition consacré à la peinture dans la grande salle, et un espace avec des jeux de lumières dans les deux petites pièces. Plongeant le spectateur dans une pénombre enveloppante, l’artiste se permet ainsi, à partir d’un matériel léger (pieds, pendrillons, ventilateurs etc.) de faire jouer une lumière créée, apportée, artificielle (impalpablement sculptée, pourrait-on dire) mais aussi d’exploiter la lumière qui vient du plafond, celle présente dans la salle, l’éclairage existant. Signe parmi d’autres d’une volonté de se fondre, d’expérimenter et de proposer davantage que d’imposer, au profit d’ambiances souvent féeriques qui ne sont pas sans rappeler maintes réminiscences, entre vagues illuminations de Noël, nébuleuses et enneigées, aurores boréales mythiques et magnétiques, ou encore ces mobiles bricolés qui savaient bercer, enfant, notre sommeil naissant — en cet âge où les couleurs n’avaient pas encore de nom, mais pouvaient susciter en nous un sentiment puissant et précis, un émerveillement pur.

Les références ou les directions convoquées et adoptées dans la démarche de Gilbert sont toutefois bien plus variées et complexes. Car cet ancien élève de l’ERG, à présent lui-même enseignant à l’Académie des Beaux-Arts de Namur, mais aussi conseiller couleur auprès d’entreprises ou de bureaux d’architecture, est peut-être avant tout un touche-à-tout, à tout ce qui touche à la peinture tout en s’en échappant et en l’enrichissant : adepte de l’huile, sur bois ou sur toile, il n’en exploite pas moins toute la matérialité des supports et leurs particularités de langages, entre net et flou, rature et estompage, masquages et effets de transparence, montages et raccords aux limites tantôt de la photographie, tantôt de la sérigraphie.